Théorème [Frobenius]
Soit
V un espace vectoriel de dimension finie et
u un endomorphisme de
V. Il existe
et des sous-espaces
u-cycliques
Vi non nuls de polynômes minimaux unitaires
tels que
-
-
.
De plus la suite des polynômes
est unique.
Donnons déjà quelques conséquences :
- Le polynôme minimal de
u est donné par
:
.
- Le polynôme caractéristique est le produit des
:
.
- Le polynôme
est un multiple de
; c'est le théorème de Cayley-Hamilton :
.
- Les polynômes
et
ont mêmes facteurs irréductibles, ce qui se traduit par
Démonstration [ Existence ]
Par récurrence :
- On choisit un vecteur
a tel que
.
- On cherche un supplémentaire
W' de
stable par
u.
- On applique l'hypothèse de récurrence à
W'.
Cherchons un sous-espace cyclique dans le dual
V de
V. Pour cela,
prenons une forme linéaire
qui ne s'annule pas sur
W et telle que
soit égal à
: par exemple,
prenons
telle que
,
,
,
avec
. Cela est possible car les vecteurs
forment un système libre.
{footnote}
Trouver
revient à résoudre un système linéaire.
{footnote}
Calculons
.
Si
, on a
et
.
Remarquons que si
avec
et
, on a
et donc
Donc pour
P de degré strictement inférieur à
d,
P(
t u) est non nul. Donc
.
D'autre part,
est un diviseur de
.
Tout cela implique que
.
On a ainsi trouvé un sous-espace cyclique
Y pour
, qui est stable par
de polynôme minimal
.
Montrons que
W est d'intersection nulle avec l'orthogonal
Y0 de
Y.
Soit
b un élément de
W. Il est de la forme
b =
P(
u)(
a) avec
ou
P=0. Supposons
P non nul.
Pour tout polynôme
Q,
Supposons de plus que
. Alors, comme
est un élément de
Y, on a
pour tout polynôme
Q.
Prenons
.
Dans ce cas,
est non nul
si
P est non nul (c'est le coefficient dominant de
P).
Ce qui n'est pas possible. Donc
P=0 ainsi que
b.
Une fois démontré que
, la comparaison des dimensions implique que
.
Et le sous-espace
Y0 est stable par
u.
Montrons maintenant l'unicité des éléments
.
Commençons par un lemme simple mais important.
Lemme
Supposons que
V est somme directe de
où
W1 et
W2 sont des sous-espaces stables par
u.
Alors,
.
Attention, cela est faux sans la condition de stabilité. Par exemple,
soit
u de matrice
dans une base
(
e1,
e2).
Prenons
W=
K e1 et
W2=
Ke2. On a
u(
W1)=
u(
W2).
Démonstration
Il est toujours vrai que
u(
V)=
u(
W1) +
u(
W2). Calculons
l'intersection de
u(
W1) et de
u(
W2). On
Démonstration [ Unicité ]
Supposons qu'on ait deux décompositions
d'invariants respectifs
et
.
On a
puisqu'ils sont tous deux égaux au polynôme minimal de
u.
Supposons qu'on ait montré que jusqu'à l'indice
j-1,
.
On désire montrer que
.
On applique l'endomorphisme
:
(la somme reste directe d'après le lemme).
Or
annule
Vk pour
.
Donc
Or les restrictions de
u à
Vi et à
Vi' sont semblables pour
i <
j
(même matrice dans des bases
différentes). Il en est de même pour la restriction de
u à
et à
pour
i <
j.
On en déduit que
et donc que
est un multiple de
.
En échangeant les rôles,
est aussi un multiple de
et donc
que
.
Remarque
L'existence d'un supplémentaire stable par
u d'un sous-espace vectoriel
W
stable par
u n'est pas toujours vrai.
Par exemple, prenons l'endomorphisme
u de matrice
dans une base
(e1, e2).
Le sous-espace
est stable par
u mais ne possède pas de supplémentaire
stable par
u. Sinon,
u serait diagonalisable.